La construction du Petit Bé
Selon certains auteurs, ce rocher s’appelait anciennement « le Mont Olivet ». Une chapelle aurait existé, et sur un plan de 1661 figure un ouvrage maçonné, utilisé vraisemblablement à des fins de surveillance et de défense.
C’est en 1688 que le roi juge opportun de faire fortifier Saint-Malo. À la suite du séjour de Vauban au Printemps 1689, Siméon Garangeau, après avoir conduit des travaux à Marseille comme ingénieur du roi, puis à Brest à partir de 1679, fût nommé ingénieur en chef du département de Saint-Malo. Il s’y établit à l’automne de la même année. En 1691, il obtient le poste de Directeur des fortifications de Haute Bretagne, (zone allant de Morlaix à la rivière du Couesnon près du Mont Saint-Michel).
Construit en granit de Chausey, la forme du Petit Bé est adaptée au rocher qui l’accueille. En 1693, lors de la première attaque anglaise (lire Les attaques maritimes vues du Petit Bé), les travaux sont déjà bien avancés. Le fort se compose essentiellement d’une plate-forme surmontant le haut du rocher. Sur celle-ci existait un corps de garde qui bouchait trois embrasures (dont cinq sur le mouillage de la fosse aux Normands située au sud de la Conchée, et quatre face à la rivière de la Rance). Seule la partie inférieure du bâtiment situé à l’est était terminée. Il s’y trouvait un corps de garde avec une chambre pour l’Officier, et deux demi-bastions (celui au nord contenant la poudrière, et celui au sud la citerne). Le Petit Bé est le dernier maillon de défense avant les remparts de Saint-Malo.
Un état des lieux datant du 1er janvier 1696 préconise les travaux à effectuer pendant l’année : « abattre l’ancien corps de garde qui occupe la place des trois embrasures du côté du mouillage et continuer la plate-forme en pierre de taille en toute son étendue. Pour faire le logement commencé au dessus des souterrains en 70 pieds de long, le redistribuer comme il est marqué au plan, le monter suivant le profil et le couper en deux étages par le moyen d’un plancher, faire les deux petits escaliers pour communiquer dans les étages d’en haut, tous les planchers, portes et fenêtres... le tout de bois de débris des vaisseaux, un pareil plancher à l’étage au dessus qui sert de corps de garde au niveau de la plate forme... nettoyer bien la citerne, remplir son citerneau de gros sable bien lavé et purifié ».
Il faudra attendre 1700 pour voir se réaliser le plancher du bâtiment, les portes intérieures, les escaliers (un en bois et un en pierre), les fenêtres de l’étage, ainsi que l’aménagement sommaire d’un accès dans les rochers.
Dès 1695, Vauban avait prévu d’adjoindre au fort un bastion important face à Saint-Malo. Celui-ci aurait été surmonté d’un petit bâtiment, et muni d’un pont-levis. Sur ce bastion, quatre emplacements de mortiers étaient envisagés. L’entrée du fort donnant sur la plate forme se trouvant à quatre mètres de hauteur, les militaires ne disposant pas de ce bastion y accédaient par une échelle. En 1716, Garangeau propose un bastion plus petit pour rendre son accès plus aisé, mais il ne sera jamais réalisé.
En 1720, Garangeau forma le projet de réunir les Bés à la ville de Saint-Malo, et de créer un espace pour 80 navires. Cette idée fut reprise en 1793 et en 1823, mais seule une chaussée submersible aboutissant à deux cales (à l’ouest du Grand Bé et du Petit Bé) fût réalisé. Les navires pouvaient aborder Saint-Malo à mer basse, embarquer et débarquer passagers et marchandises.
Un rapport de 1724 signé Garangeau donne la description suivante : « Il est aussi à la mer au nord-ouest de Saint-Malo et 440 toises de distance ; c’est un très bon fort heureusement placé. Aucun navire ne pouvant mouiller dans la rade, ni passer pour entrer à Saint-Malo ou en sortir que sous le feu de son canon ; il n’y manque qu’une petite avancée pour couvrir son entrée, et faire un escalier pour y monter, ne le pouvant présentement que par une échelle. Il y a un bon magasin à poudre voûté et en souterrain sous la partie du bâtiment et au-dessus un magasin pour les affûts bien fermé. Il serait nécessaire de réimprimer les portes et leurs ferrures, et huiler les serrures qui sont rouillées ».
Garangeau décedera en 1741, et un rapport de 1756 déclare le Fort du Petit Bé en bon état.